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3 juin 2013

Les arbres du parc Gezi

Je ne ferai pas ici une prise de position politique concernant la situation en Turquie. Je ne ferai pas le compte rendu du nombre de blessées et je ne critiquerai pas l'attitude des médias grand public à l'égard du conflit. Je ne critiquerai pas non plus cette volonté de transformer le parc Gezi à Istanbul en immeuble. Je veux plutôt attirer l'attention sur l'étincelle qui a mis le feu aux poudres!

Un arbre est une chose magnifique, et encore davantage au coeur d'une ville où la végétation se fait rare. Un arbre apporte de l'oxygène aux poumons, donne de l'ombre et de la fraîcheur en été, contribue à réduire la pollution dans l'air et, il procure un beau coup d'oeil aux habitants du quartier. Lorsqu'il n'y a pas d'arbre dans notre environnement urbain, la vie est morne, mais on ne s'aperçoit pas de la richesse qui nous manque. Lorsqu'il y a des arbres dans notre quartier, on est bien, mais on finit par oublier leur présence. Alors, c'est lorsque l'on coupe les arbres que l'on s'aperçoit de la richesse que l'on perd. Il s'agit d'une richesse difficile à mesurer ou même à exprimer, mais les arbres apportent du bien-être aux habitants d'un quartier.

Ceci n'est pourtant pas une chronique horticole, mais une réflexion à propos du rapport de l'être humain à son milieu de vie.

Lorsqu'on menace de détruire un parc, on suscite la prise de conscience de la perte de cette richesse. On réalise alors qu'un parc est rempli de souvenirs: des heures à flâner entre amis, des jeux en famille, le premier baisée, etc. On constate aussi que des pratiques culturelles sont tissées à un lieu: un sandwich pris sur un banc, du jogging le matin, une marche en soirée, des conversations au hasard des rencontres, etc. On se rend compte que notre vie est intimement liée à ce lieu.

Un parc n'est pas seulement un espace dans lequel on fait des activités. Il représente l'espace qui nous appartient comme citoyen, car la vie sociale ne se fait jamais sur des espaces empruntés. On partage un espace de vie!

Le projet de la place Taksim n'a sûrement pas été conçu avec une volonté de détruire un espace de vie. Et ces quelques arbres n'ont certainement aucun lien a priori avec le régime politique en place en Turquie. Ce qui est au coeur du conflit actuel est le désir des citoyens d'être impliqué dans les processus de décision qui concernent le développement de leur ville.

Le mouvement de manifestation s'est ouvert sur des revendications de liberté et de justice. Le déclencheur du conflit était plus précisément une façon de gouverner qui agit à la place des citoyens sans tenir compte de leurs idées. Nul être humain ne veut vivre dans un milieu de vie qu'il n'a pas lui-même conçu avec ses concitoyens.

Je salue tous les citoyens qui agissent pour créer un monde à leur image.

7 mai 2013

Réinvestir les cours d’école


Il y a quelques jours, j'ai effectué, un peu par hasard, un curieux pèlerinage. Je suis allé revoir la cour des écoles que j'ai fréquentées lorsque j'étais enfant. Mes observations m'ont permis de faire quelques constats et d’ouvrir une réflexion concernant l'aménagement des espaces publics.

De souvenir d'enfant, j'y ai vécu de beaux moments à jouer et à parler avec mes amis. J'avais quelques vagues souvenirs, un arbre, un recoin de l'édifice, des portes. Je ne me souvenais que peu de l'espace environnant ces lieux. Les activités effectuées occupaient sûrement tout mon esprit.

En visitant ces lieux, à une heure où il n'y avait aucun enfant, mon esprit a donc fait le cheminement pour refaire les liens entre mes souvenirs d’enfant et ce que mes yeux voyaient. Cette visite impromptue m’a permis de constater que les lieux ne semblent pas avoir changé depuis mon enfance.


Ce que j'ai vu, ce sont des espaces mi-asphalte mi-gazon. Ce sont des espaces ouverts qui n'ont pas de centre ni d'espace pour se rencontrer. On ne sait pas où y circuler, on ne sait pas où s'arrêter, on ne sait comment appréhender cet espace. On retrouve quelques arbres de petite taille qui ne procurent aucune ombre. Pour les plus jeunes, il y avait un module de jeux, mais jamais assez grand pour desservir plus d'une vingtaine d'enfants, dans une école où il doit sûrement y avoir plus d'une centaine d'enfants. Bref, j'y ai vu des espaces où il ne fait pas particulièrement bon s'arrêter, alors que les enfants passent plus d'une heure par jour à vivre en ce lieu.

Constat global, ces lieux n'étaient pas aménagés lorsque j'étais enfant, ne sont toujours pas aménagés et il n'y a probablement aucune intention de prendre en charge leur aménagement dans une future quelconque.


Alors, qu'est-ce qui cloche? En fait, il s'agit simplement de céder à l'habitude. C'est que la gestion des lieux publics est généralement assumée par un service d'entretien des lieux. On ne leur demande pas de concevoir des lieux. Leur travail est de s'assurer de la propreté des lieux et de tondre la pelouse une fois par semaine. Du côté de l'administration des écoles, il y a souvent un manque d'intérêt concernant l'apport de beaux endroits dans le bien-être des enfants et un manque de compétence quant à l'aménagement de l'espace. Il faut dire que la plupart du temps, il y a un manque criant de ressources financières pour amorcer des projets de réaménagement des infrastructures. Doit-on abandonner toute intention d'embellir son environnement sur cette seule question financière?

Certaines écoles tentent de réunir quelques sommes pour réparer et embellir les cours d'école. Ils empruntent différents moyens, parfois traditionnels, parfois innovateurs, pour lever des fonds. Ces collectes de fonds, généralement financées presque exclusivement par les parents des enfants qui fréquentent l’école, permettent parfois de construire un module de jeu ou de réparer un bout d'asphalte devenu dangereux.


Mais, dans tout ça, il manque une vision globale de l'aménagement de ces espaces de vie pour les enfants. Une intention quant à l’aménagement de ces lieux comme espace de vie des enfants. Une réflexion sur la cour d'école comme espace de fréquentation par les parents, les enseignants et tout le personnel des écoles. Un projet de communauté mettant en lien les citoyens qui soutiennent leur école de quartier et les futurs citoyens qui apprennent à s'investir dans leur communauté.

Source: Environmental Concern
Autant pour les enfants que pour les citoyens, ce qu'il faut cultiver c'est l'attitude que l'on peut agir directement dans notre communauté pour l'embellir et l'améliorer. L'attitude à défaire est celle de prendre pour acquis qu'il y a quelqu'un quelque part qui a la responsabilité de gérer ces lieux et que nous pouvons nous décharger l'esprit de cette question. Je constate que les décennies passent sur les cours d'école et que rien ne change!

Ce qu'il faut donc, c'est la prise en charge de cette question en sens inverse. Plutôt que d'attendre que l'administration fasse quelque chose, il faut que l'initiative vienne des citoyens. Quelques parents qui discutent ensemble peuvent amorcer un mouvement impliquant d'autres parents, puis quelques professeurs, puis la direction de l'école. Le lieu s'embellissant attire d'autres citoyens du quartier. En faisant cohabiter des zones destinées aux enfants et d'autres à l’ensemble des citoyens, parents, grands-parents, on crée des zones de fréquentation qui permettent aux habitants du quartier de s'arrêter dans un lieu agréable, aménagé par les enfants eux-mêmes. Voilà le genre de lieu qui fait vibrer une communauté!

Il y a donc un pôle d’intervention lié aux parents et aux habitants du quartier. Il serait facile et peu couteux de planter de petits arbres et arbustes. D'utiliser les ressources des parents et de la communauté, les ressources autres que financières. Par exemple, en recourant à l’expertise en aménagement de certains parents et en rassemblant le fruit de la division des vivaces de tous les parents sur leur propre terrain, on aurait rapidement une imposante pépinière de plantes pour aménager de nombreuses platebandes dans la cour d’école.

Source: Environmental Concern
Il y a aussi un pôle d’intervention enfants-enseignant. En effet, il serait facile de consacrer une heure de classe pour semer, planter, aménager pour intégrer de multiples matières scolaires et devoirs civiques de l'école comme la biologie, l'écologie, l'architecture de paysage, la géographie, les mathématiques, l'implication dans la communauté, ...

Il y a enfin un pôle relié à la direction des écoles et aux services d'entretien. Ils doivent accepter de s'impliquer dans un changement qu'ils ne peuvent pas coordonner centralement et faire preuve de flexibilité dans l'application des règles. Assurément, ils peuvent adopter une vision intégrant l’école dans sa communauté et encourager toutes les initiatives citoyennes concernant l’école.

Source: Environmental Concern
Vous croyez qu’il s’agit d’un rêve irréalisable? Des projets de réaménagement de parcs et de cours d'école se réalisent un peu partout. Voyez par exemple, l'organisme Environmental Concern dans l'État du Maryland aux États-unis developpe depuis des années des projets de réaménagement des cours d'école. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un organisme de protection des milieux humides. Ainsi, ils accompagnent les écoles dans l'implantation d'un milieu humide sur leur terrain. Ils forment les professeurs pour impliquer les enfants, soutiennent le personnel d'entretien, fournisse de l'information et de l'encadrement technique. Ces projets impliquent les enfants dans la prise en charge de leur milieu de vie en plus de les conscientiser à la protection des marais et des berges au niveau environnemental.

Source: Environmental Concern
Ce pèlerinage m'a fait avancer dans ma réflexion sur l'appropriation des espaces publics par les citoyens. Plutôt que de créer de nouveaux lieux publics pour favoriser les échanges entre voisins, il m'a semblé porteur de s'approprier des lieux existants qui ne demandent qu'à être restaurés. Les parcs publics, les terrains de jeux pour enfant et les cours d'école sont là et ont besoin qu'on s'en occupe pour devenir des lieux de fréquentation agréables. Ce sont déjà des lieux visités par plusieurs personnes qui ont le potentiel d'agir comme carrefour d'un quartier, un espace pour s'arrêter, croiser ses voisins et jouer avec ses enfants. Il ne resterait plus qu'à leur donner une couleur propre aux habitants d'un quartier, en faire un lieu plaisant, pour accroître leur fréquentation et ainsi augmenter l'interconnexion entre les habitants d'un quartier.

Sans oublier l'essentiel, lorsqu'un enfant a consacré de ses idées et de son travail à transformer son espace de vie, il n'acceptera plus jamais la morosité et deviendra un citoyen impliqué dans l'amélioration de son milieu de vie.

30 avril 2013

Impliquer les enfants dans le développement urbain

Dans mon dernier texte, j’amorçais la réflexion sur les façons d’intégrer les enfants dans les processus décisionnels gouvernementaux. J’évoquais des thèmes sur lesquels il est intéressant de consulter les enfants. Mais, comment doit-on faire pour réussir une telle démarche de participation des enfants à la prise de décision?

Faire participer les enfants à un processus décisionnel ne signifie pas d'entendre quelques enfants, de faire un verbatim et de l'ajouter au dossier de projet afin de s'en servir comme d'une preuve que les enfants ont été consultés! Qu’ils soient adultes ou enfants, l’exclusion des citoyens du processus de conception des espaces publics engendre à la fois le sentiment d’impuissance des citoyens dans la prise de décision et le désengagement à long terme dans la vie publique. Les administrateurs et les officiers du secteur public doivent sortir dans les rues, observer ce qui se passe sur le terrain, discuter avec les gens et finalement, inviter les citoyens à participer au développement de la ville [1].

Pour adapter la gouvernance en fonction des enfants

Le Child Friendly Cities Initiative (CFCI) est un réseau mondial qui soutient la mise en des projets impliquant les jeunes dans le développement urbain. Le CFCI développe des projets depuis 1996, qui est le premier partenariat large qui intègre les enfants dans la planification urbaine. Il favorise la mise en oeuvre des principes de la Convention relative aux droits de l’enfant en proposant des modèles d’implantation d’action impliquant les jeunes. Les méthodes qu’ils proposent s’appuient sur des expériences dans plusieurs pays. Ils accompagnent notamment l’implantation de comités de jeunes impliqués dans la gouvernance publique [2].

Le secrétariat du CFCI a défini neuf aspects que les administrations publiques devraient prendre en compte dans le développement d’initiatives impliquant la participation des enfants [3] :
1. La participation des jeunes à toutes les étapes de la planification et de l’implantation.
2. Une législation qui tient compte des jeunes.
3. Une stratégie concernant les droits des enfants.
4. Un mécanisme de coordination ou une agence pour les jeunes.
5. L’évaluation de l’impact des politiques et programmes sur les jeunes.
6. Une part du budget et des ressources accordées aux enfants.
7. Faire rapport régulièrement sur l’état de l’enfance dans la ville.
8. Accroître la vigilance et la capacité d’action quant à la défense des droits des enfants.
9. L’indépendance décisionnelle des enfants.

Faire participer les enfants signifie aussi d'écouter, de tâcher de comprendre le besoin derrière des rêves parfois irréalisables, de mettre au coeur de toute réflexion subséquente le fruit de cette analyse. Mais plus encore, ça veut aussi dire de les faire participer à la construction du monde dans lequel ils vivent.

Imaginons un instant...

Un enfant peut participer à des processus de codesign citoyens pour développer toutes sortes de projets.

Prenons l'exemple de l'aménagement d'un parc au coeur d'un quartier. Des enfants participent au processus d'idéation initial, à la réflexion sur la forme du parc, au processus de conception des installations, et pourquoi pas, à la construction de leur parc, créant un sentiment d'appartenance à la communauté. Créer une oeuvre artistique par les enfants avec l'encadrement d'un artiste engendre un parc à leur image, créant un attachement au lieu. Faire asseoir des enfants dans la grue attitrée aux travaux d'excavation engendre de futurs ingénieurs impliqués dans leur communauté. Faire peinturer les clôtures par les enfants engendre des citoyens qui comprennent la valeur de l'effort et de protéger l'apparence des lieux publics.

Mais non, nous nous privons de tout cela! Aujourd'hui, nous aurions un parc aménagé par une équipe d'adultes enfermés dans une pièce d'un édifice municipal. Et une équipe de construction qui produit un parc à l’intérieur d’un site clôturé. À la fin, on attend que les enfants viennent, mais il s’agit d’un parc qui ressemble à tous les autres parcs de la ville.

Ce que nous avons perdu dans tout ça, c'est l'occasion de former des citoyens impliqués dans leur communauté. Participer veut dire grandir comme personne, comme personne en relation avec d’autres personnes, grandir ensemble comme communauté.

Les adultes sont vraiment égoïstes dans tout ça, ne pensant qu’à leurs normes, qu’à leurs habitudes, qu’à la facilité de faire ce qui se fait toujours. Si nous avions vraiment les besoins des enfants en tête, nous cesserions de vouloir protéger nos enfants du monde pour commencer à construire une communauté dans laquelle ils peuvent avoir confiance.



Sources
[1] “Engage With Young People In Their Own Spaces” in The Edgeryders Guide To The Future - A Handbook For Policymakers & Designers Of Policy-Oriented Online Communities. Funded by the Europeen Union and the Council of Europe. 2012. Pp.144-147. [http://fr.scribd.com/doc/116463853/DRAFT-The-Edgeryders-Guide-to-the-Future-A-handbook-for-policymakers-and-managers-of-policy-oriented-online-communities]
[2] “Child-Friendly Cities” in The State Of The World’s Children 2012 - Children in an Urban World. United Nations Children’s Fund (UNICEF). February 2012. P.55. [http://www.childinfo.org/files/SOWC_2012_MainReport_EN.pdf]
[3] “The Child-Friendly Cities Initiative - Fifteen years of trailblazing work” in The State Of The World’s Children 2012 - Children in an Urban World. United Nations Children’s Fund (UNICEF). February 2012. P.56. [http://www.childinfo.org/files/SOWC_2012_MainReport_EN.pdf]
Pour aller plus loin :
José Clodoveu de Arruda Coelho Neto (Mayor, Sobral Municipality, Brazil). "Building children’s lives to build a city” in The State Of The World’s Children 2012 - Children in an Urban World. United Nations Children’s Fund (UNICEF). February 2012. P.51. [http://www.childinfo.org/files/SOWC_2012_MainReport_EN.pdf]
Hart, Roger A. Children’s participation: From tokenism to citizenship. UNICEF. 1992. [http://www.unicef-irc.org/publications/pdf/childrens_participation.pdf]
Jennifer L. O’Donoghue, Benjamin Kirshner, Milbrey McLaughlin. "Introduction: Moving youth participation forward" in O'Donoghue, J., Kirshner, B., & McLaughlin, M. W. Moving youth participation forward. New Directions for Youth Development: Theory, Practice and Research, No. 96. San Francisco: Jossey-Bass. 2003. [http://www.colorado.edu/education/faculty/benkirshner/Docs/O'Donahgue%20et%20al_Moving%20Youth%20Participation%20Forward.pdf]

23 avril 2013

La participation des enfants aux processus décisionnels


L’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant à l'Assemblée générale des Nations unies en 1989 a été un geste important. Ce texte de 54 articles expose une vision globale de la prise en compte des enfants dans la gouverne des États du monde, donnant une reconnaissance de l'enfant dans les sphères sociales, économiques, culturelles, civiles et politiques [1].

C’est en lisant un extrait de la Convention que j’ai découvert cette phrase qui m’a bien étonné :

Article 12. 1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. [2].

En d’autres termes, les États faisant partie des Nations unis se sont engagés officiellement à accorder le droit aux enfants de prendre part aux décisions qui les concernent. Il s’agit d’un point important qui devait faire partie de l'évolution politique et législative des pays qui ont fait l'intégration de la Convention dans leur gouverne. Selon celle-ci, l'enfant est considéré capable de contribuer au développement du monde dans lequel il vit.

Certains décideurs ont mis en place une telle vision dans la prise de décision gouvernementale. Par exemple, en 2007, le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a créé le Youth Advisory Council et a changé sa structure législative pour favoriser la prise en compte des enfants dans les décisions gouvernementales. On retrouve des mentions claires dans ces lois à l’effet que tous les enfants ont le droit d’être impliqués dans les décisions qui affectent leurs vies et qu’ils ont le droit d’être consultés et d’exprimer leur point de vue en fonction de leur habileté concernant les décisions qui les affectent [3]. Une telle affirmation sert à rappeler que de faire participer les enfants aux décisions qui les concernent veut dire de les inclure systématiquement dans les processus décisionnels.

Néanmoins, la plupart des gouvernements et des administrations municipales du monde ne semblent pas avoir intégré l’esprit de cette convention dans leurs activités de développement collectif. Force est de constater que l'approche de la Convention, qui visait à changer globalement la façon dont le bien-être des enfants est pris en compte, n'a pas apporté le changement de fond qui était souhaité.

Comment les inclure dans le processus?

Question pas simple, mais est-ce que cela veut dire qu'il faille baisser les bras? Parfois, on tient compte de certaines statistiques concernant la présence des enfants. Rarement, met-on en oeuvre des recherches pour comprendre les besoins des enfants d’un quartier. Mais, je ne me souviens pas d’avoir entendu parler de processus publics de consultation des enfants pour les décisions qui les concernent? Et plus encore, implique-t-on les enfants dans le processus de développement des projets sur les sujets qui les concernent?

La première chose à faire serait de consulter les enfants directement afin d’analyser leurs perceptions et leurs idées pour les inclure systématiquement dans les processus décisionnels. Là où il y a, me semble-t-il, le plus grand potentiel, c’est de les inclure dans des processus de design sur des projets qui transforment les quartiers. Quand on se donne la peine d’investiguer, on remarque que de telles approches ont été mises en place un peu partout à travers le monde.

Par exemple, un projet à Ventanilla au Pérou a permis à un grand nombre d’enfants et d’adolescent de participer à la prise de décision sur le développement de leur ville. Cette démarche accordait un important budget pour soutenir des projets de développement urbain qui étaient soumis et choisis par les jeunes [4].

Le Peruvian Children and Adolescent Organizations a contribué à l'organisation d'une vaste consultation citoyenne impliquant les enfants. Au total, des assemblées citoyennes dans plusieurs villes péruviennes ont permis à 1200 personnes, incluant des enfants, de discuter des enjeux qui concernent leurs villes [5].

En 2001, le Children’s Forum Network (CFN) a été créé en Sierra Leone et contribue à développer la participation des jeunes au sein de leur pays. Il s'agit d'un comité d'enfants, supervisé par le Ministère du bien-être social du gouvernement de la Sierra Leone, qui a pour mandat de défendre la voix de tous les enfants du pays. Grâce à ce comité, des enfants participent directement à la prise de décision sur plusieurs champs d'activités gouvernementales. Le fait que ces enfants développent un réseau de relations, comme les adultes le font, a permis l'émergence de projets allant bien au-delà du projet initial, comme la production d'un journal par les enfants, d'un poste de radio et la production d'émissions de télévision [6].

Les consulter sur quels sujets?

Potentiellement, tout sujet qui concerne l'avenir d'une collectivité pourrait prévoir un volet de consultation des enfants, car il s'agit du monde dans lequel ils vivront. Mais, si on resserre un peu le champ des possibilités, on pourrait commencer par les consulter sur l'aménagement des quartiers. À partir du moment où ils sont capables d'une certaine conscience du monde au-delà de leur propre maison, ils peuvent participer à construire le milieu immédiat dans lequel ils vivent tous les jours.

Si on regarde ailleurs dans le monde, on constate que certaines administrations publiques n’ont pas pris la Convention relative aux droits de l’enfant à la légère et ont compris l’importance qu’elle revêt. Un peu partout, des enfants sont invités à participer aux décisions de planification urbaine sur des sujets comme la sécurité routière, l’utilisation des terrains et la qualité de l’air.

De nombreux projets dans le monde impliquent des enfants de manière variée dans plusieurs champs d’activité. Par exemple, l’implication de jeunes dans les processus d’arpentage, de documentation et de cartographie des espaces publics a permis à des jeunes de s’impliquer davantage dans la planification urbaine, dans la gestion des finances et des infrastructures urbaines dans de nombreuses villes du monde : Calcutta (Inde),  Nairobi (Kenya),  Karachi (Pakistan) et Le Cap (Afrique du Sud) [4].

Tant de potentiel et d’idées dont on se prive pour bâtir le monde qui nous entoure! Le sujet de la participation des enfants en est un sur lequel il y a beaucoup à dire. Je poursuivrai cette réflexion dans un prochain texte.

Connaissez-vous des projets qui ont intégré la participation des enfants?



Sources
[1] Norberto Liwski. "The 18 th Anniversary of the Adoption of the Convention on the Rights of the Child" in 18 Candles - The Convention on the Rights of the Child Reaches Majority. Institut international des droits de l’enfant (IDE). Pp.69-79.
[2] Nations Unies. Convention relative aux droits de l’enfant. Adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989. Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l'article 49.
[3] MCFD Youth Advisory Council, Canada. “Youth Claiming Governance: We Are the Now” in 18 Candles - The Convention on the Rights of the Child Reaches Majority. Institut international des droits de l’enfant (IDE). Pp.43-46.
[4] “Participatory urban planning and management” in The State Of The World’s Children 2012 - Children in an Urban World. United Nations Children’s Fund (UNICEF). February 2012. P.50. [http://www.childinfo.org/files/SOWC_2012_MainReport_EN.pdf]
[5] National Movement of Organize Children and Adolescents of Peru. “The Participation of Children - an Experience” in 18 Candles - The Convention on the Rights of the Child Reaches Majority. Institut international des droits de l’enfant (IDE). Pp.51-53.
[6] Children’s Forum Network «CFN-Sierra Leone». “Our Participation Matters!” in 18 Candles - The Convention on the Rights of the Child Reaches Majority. Institut international des droits de l’enfant (IDE). Pp. 55-58.