Il y a quelques jours, j'ai effectué, un peu par hasard, un curieux pèlerinage. Je suis allé revoir la cour des écoles que j'ai fréquentées lorsque j'étais enfant. Mes observations m'ont permis de faire quelques constats et d’ouvrir une réflexion concernant l'aménagement des espaces publics.
De souvenir d'enfant, j'y ai vécu de beaux moments à jouer et à parler avec mes amis. J'avais quelques vagues souvenirs, un arbre, un recoin de l'édifice, des portes. Je ne me souvenais que peu de l'espace environnant ces lieux. Les activités effectuées occupaient sûrement tout mon esprit.
En visitant ces lieux, à une heure où il n'y avait aucun enfant, mon esprit a donc fait le cheminement pour refaire les liens entre mes souvenirs d’enfant et ce que mes yeux voyaient. Cette visite impromptue m’a permis de constater que les lieux ne semblent pas avoir changé depuis mon enfance.
Ce que j'ai vu, ce sont des espaces mi-asphalte mi-gazon. Ce sont des espaces ouverts qui n'ont pas de centre ni d'espace pour se rencontrer. On ne sait pas où y circuler, on ne sait pas où s'arrêter, on ne sait comment appréhender cet espace. On retrouve quelques arbres de petite taille qui ne procurent aucune ombre. Pour les plus jeunes, il y avait un module de jeux, mais jamais assez grand pour desservir plus d'une vingtaine d'enfants, dans une école où il doit sûrement y avoir plus d'une centaine d'enfants. Bref, j'y ai vu des espaces où il ne fait pas particulièrement bon s'arrêter, alors que les enfants passent plus d'une heure par jour à vivre en ce lieu.
Constat global, ces lieux n'étaient pas aménagés lorsque j'étais enfant, ne sont toujours pas aménagés et il n'y a probablement aucune intention de prendre en charge leur aménagement dans une future quelconque.
Alors, qu'est-ce qui cloche? En fait, il s'agit simplement de céder à l'habitude. C'est que la gestion des lieux publics est généralement assumée par un service d'entretien des lieux. On ne leur demande pas de concevoir des lieux. Leur travail est de s'assurer de la propreté des lieux et de tondre la pelouse une fois par semaine. Du côté de l'administration des écoles, il y a souvent un manque d'intérêt concernant l'apport de beaux endroits dans le bien-être des enfants et un manque de compétence quant à l'aménagement de l'espace. Il faut dire que la plupart du temps, il y a un manque criant de ressources financières pour amorcer des projets de réaménagement des infrastructures. Doit-on abandonner toute intention d'embellir son environnement sur cette seule question financière?
Certaines écoles tentent de réunir quelques sommes pour réparer et embellir les cours d'école. Ils empruntent différents moyens, parfois traditionnels, parfois innovateurs, pour lever des fonds. Ces collectes de fonds, généralement financées presque exclusivement par les parents des enfants qui fréquentent l’école, permettent parfois de construire un module de jeu ou de réparer un bout d'asphalte devenu dangereux.
Mais, dans tout ça, il manque une vision globale de l'aménagement de ces espaces de vie pour les enfants. Une intention quant à l’aménagement de ces lieux comme espace de vie des enfants. Une réflexion sur la cour d'école comme espace de fréquentation par les parents, les enseignants et tout le personnel des écoles. Un projet de communauté mettant en lien les citoyens qui soutiennent leur école de quartier et les futurs citoyens qui apprennent à s'investir dans leur communauté.
Source: Environmental Concern |
Autant pour les enfants que pour les citoyens, ce qu'il faut cultiver c'est l'attitude que l'on peut agir directement dans notre communauté pour l'embellir et l'améliorer. L'attitude à défaire est celle de prendre pour acquis qu'il y a quelqu'un quelque part qui a la responsabilité de gérer ces lieux et que nous pouvons nous décharger l'esprit de cette question. Je constate que les décennies passent sur les cours d'école et que rien ne change!
Ce qu'il faut donc, c'est la prise en charge de cette question en sens inverse. Plutôt que d'attendre que l'administration fasse quelque chose, il faut que l'initiative vienne des citoyens. Quelques parents qui discutent ensemble peuvent amorcer un mouvement impliquant d'autres parents, puis quelques professeurs, puis la direction de l'école. Le lieu s'embellissant attire d'autres citoyens du quartier. En faisant cohabiter des zones destinées aux enfants et d'autres à l’ensemble des citoyens, parents, grands-parents, on crée des zones de fréquentation qui permettent aux habitants du quartier de s'arrêter dans un lieu agréable, aménagé par les enfants eux-mêmes. Voilà le genre de lieu qui fait vibrer une communauté!
Il y a donc un pôle d’intervention lié aux parents et aux habitants du quartier. Il serait facile et peu couteux de planter de petits arbres et arbustes. D'utiliser les ressources des parents et de la communauté, les ressources autres que financières. Par exemple, en recourant à l’expertise en aménagement de certains parents et en rassemblant le fruit de la division des vivaces de tous les parents sur leur propre terrain, on aurait rapidement une imposante pépinière de plantes pour aménager de nombreuses platebandes dans la cour d’école.
Source: Environmental Concern |
Il y a aussi un pôle d’intervention enfants-enseignant. En effet, il serait facile de consacrer une heure de classe pour semer, planter, aménager pour intégrer de multiples matières scolaires et devoirs civiques de l'école comme la biologie, l'écologie, l'architecture de paysage, la géographie, les mathématiques, l'implication dans la communauté, ...
Il y a enfin un pôle relié à la direction des écoles et aux services d'entretien. Ils doivent accepter de s'impliquer dans un changement qu'ils ne peuvent pas coordonner centralement et faire preuve de flexibilité dans l'application des règles. Assurément, ils peuvent adopter une vision intégrant l’école dans sa communauté et encourager toutes les initiatives citoyennes concernant l’école.
Source: Environmental Concern |
Vous croyez qu’il s’agit d’un rêve irréalisable? Des projets de réaménagement de parcs et de cours d'école se réalisent un peu partout. Voyez par exemple, l'organisme Environmental Concern dans l'État du Maryland aux États-unis developpe depuis des années des projets de réaménagement des cours d'école. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un organisme de protection des milieux humides. Ainsi, ils accompagnent les écoles dans l'implantation d'un milieu humide sur leur terrain. Ils forment les professeurs pour impliquer les enfants, soutiennent le personnel d'entretien, fournisse de l'information et de l'encadrement technique. Ces projets impliquent les enfants dans la prise en charge de leur milieu de vie en plus de les conscientiser à la protection des marais et des berges au niveau environnemental.
Source: Environmental Concern |
Ce pèlerinage m'a fait avancer dans ma réflexion sur l'appropriation des espaces publics par les citoyens. Plutôt que de créer de nouveaux lieux publics pour favoriser les échanges entre voisins, il m'a semblé porteur de s'approprier des lieux existants qui ne demandent qu'à être restaurés. Les parcs publics, les terrains de jeux pour enfant et les cours d'école sont là et ont besoin qu'on s'en occupe pour devenir des lieux de fréquentation agréables. Ce sont déjà des lieux visités par plusieurs personnes qui ont le potentiel d'agir comme carrefour d'un quartier, un espace pour s'arrêter, croiser ses voisins et jouer avec ses enfants. Il ne resterait plus qu'à leur donner une couleur propre aux habitants d'un quartier, en faire un lieu plaisant, pour accroître leur fréquentation et ainsi augmenter l'interconnexion entre les habitants d'un quartier.
Sans oublier l'essentiel, lorsqu'un enfant a consacré de ses idées et de son travail à transformer son espace de vie, il n'acceptera plus jamais la morosité et deviendra un citoyen impliqué dans l'amélioration de son milieu de vie.
Intéressant, j'apprécie particulièrement votre conclusion, un enfant ayant grandi dans un environnement stimulant ne risque pas de se conformer à moins plus tard dans sa vie.
RépondreSupprimerSi vous désirez creuser le sujet, je vous recommande une publication récente de Vivre en Ville, elle est gratuite et disponible pour téléchargement :
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