31 juillet 2013

L'eau et le développement urbain

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Domaine Maizerets, Ville de Québec
Naturellement, l'être humain recherche l'eau. S'il y a de l'eau à proximité, le corps se mettra à sa recherche. Lorsqu'il est dans la nature, un randonneur cherchera le lac, l'étang, la rivière. S'il est en ville et qu'il trouve une fontaine, un bassin ou un canal, le citadin adoptera le lieu et le fréquentera régulièrement pour se reposer, lire un livre, prendre son repas. Le corps s'apaise en présence de l'eau et convainc aisément l'esprit de l'intérêt d'y revenir régulièrement.

Le développement urbain se faisait jadis spontanément, les villages s'érigeaient dans les endroits favorables, les milieux où l'on retrouve en abondance la nourriture et l'eau. Un peu d'eau permet la fondation d'une famille, une abondance permet la formation d'un village. Le développement des territoires s'est toujours basé sur ce principe simple. Les villes se sont construites près des lacs et le long des rivières.

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Charles River Esplanade, Boston
Le développement urbain des dernières décennies s'est organisé par les facultés de l'esprit. Des spécialistes se sont appropriés la planification de l'aménagement de l'espace public. Le cerveau a été mis à contribution, tâchant de donner réponse à cette difficile question: comment gérer la complexité engendrée par la densification de la population dans la ville? Dans la plupart des cas, les réponses à cette question ont permis d'éviter le chaos des transports. Dans une minorité de cas, elles ont dépassé ce stade pour se poser une autre difficile question: de quoi les citadins ont-ils besoin pour être heureux? Quelques personnes ont trouvé des réponses à cette question, rares sont les villes où des conclusions de cette nature se sont transformées en projet collectif.

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Vieux-Port de Montréal
Réponse ou non, tout ceci n'est qu'une illusion fabriquée par l'esprit. Il est temps de mettre les cerveaux au repos et de recommencer à développer la ville par le corps! Pour être heureux, un corps cherchera de l'eau. De l'eau à boire, de l'eau pour se baigner, de l'eau simplement pour se sentir en présence d'eau. L'eau n'attire pas que les êtres humains, l'eau amène la végétation, les arbres, la fraîcheur en été, les oiseaux. Quand le corps trouve cela, il sensibilise l'esprit au projet de s'installer à proximité d'un tel environnement. L'abondance et la fraîcheur attireront d'autres personnes et une communauté se formera spontanément dans l'interaction entre ces personnes.

Mais pourquoi le corps cherche-t-il l'eau? On dit que le corps humain est composé de 70% d'eau... peut-être que l'eau attire l'eau? Peu importe la raison, si vous cherchez des gens par temps de canicule, vous les trouverez près d'une fontaine ou près d'un étang!

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Fontaine, Garda, Italie
Si l'on amorçait une nouvelle ère du développement urbain qui s'appuie sur le bien-être ressenti plutôt que sur des principes logiques, peut-être nous approcherions-nous d'un modèle de milieu de vie plus près de notre véritable nature et plus susceptible de nous rendre heureux. Plutôt que de commencer par dresser une carte de la circulation routière, peut-être devrions-nous commencer par dresser une carte des plans d'eau dans la ville? Avant de construire des bassins, nous devrions commencer par ne pas raser les milieux naturels humides existants pour développer des projets de développement résidentiel.

Pour créer des communautés épanouies, il faut leurs donner accès à l'eau. Il faut préserver les espaces qui retiennent naturellement l'eau, il faut aussi réintégrer des milieux humides au coeur des villes. On peut réaménager les rives des canaux pour en redonner l'accès aux habitants ou aménager un étang dans un parc. Et lorsque ce n'est vraiment pas possible au coeur d'une ville, une fontaine fera le bonheur des enfants, des amoureux et des poètes!

17 juin 2013

Des jardins pour la communauté


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Garden at CEIFAR, Salvador, Bahia Brazil.
Une vague de fond se lève en matière d’agriculture urbaine et de nombreux jardins apparaissent un peu partout autour de projets communautaires, éducatifs et environnementaux. Mais le nombre de concepts pour définir les jardins se multiplie, de sorte qu’il est difficile de s’y retrouver entre les termes « jardin communautaire », « jardin collectif » et « jardin partagé ». Tentons de clarifier un peu ces termes.

Il faut dire qu’une longue liste de termes pour classifier les jardins existe depuis des siècles pour les distinguer les uns et autres selon différentes caractéristiques. Traditionnellement, on distingue les jardins selon… Leur utilité: production, éducation, conservation, recherche, décoration, spectacle, jardin d'agrément, jardin public, … Leur emplacement: intérieur, cour intérieure, accessible, … Le style: jardin à la française, jardin à l'anglaise, jardin à l'italienne, jardin chinois, jardin japonais, ... Mais la nouvelle vague de termes émerge plutôt en fonction des usages sociaux que l’on fait de ces jardins.

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Interbay P-Patch community garden, Seattle, Washington.
by Joe Mabel
Disons d’emblée que tous les jardins ont une valeur pour la communauté, même le jardin privé, qui incite le jardinier à partager les surplus de ses récoltes avec ses voisins, ses amis et sa parenté. Il s’agit d’un sujet de conversation qui rassemble plus d’un amateur, le potager se cultive seul, en couple, en famille, entre voisins. Ainsi, chaque type de jardin a ses avantages et ses défauts et chacun peut y trouver son compte. Voici donc une description sommaire de différents types de jardin afin de permettre de mieux les distinguer les uns des autres.

Jardin privé.
Commençons par le plus simple, le jardin privé, qui permet à son propriétaire de cultiver lui-même les plantes qu’il souhaite en fonction de ses désirs. Il peut aménager cet espace à sa guise puisqu’il en est le seul responsable. Un jardin privé permet de cultiver individuellement des plantes et d’en récolter les fruits pour le ménage de son propriétaire.

Jardin partagé.
Un jardin partagé est une portion de terrain qu’un propriétaire accepte d’offrir à d’autres personnes pour qu’elles puissent la cultiver pour leurs propres besoins. Ce type d’initiative permet de donner accès à un espace pour cultiver un potager à des personnes n’ayant pas de terrain cultivable. Il existe des réseaux permettant de mettre en lien les personnes acceptant de prêter une part de leur terrain et celles qui désirent avoir accès à un espace de culture. En bout de ligne, il s’agit d’une occasion intéressante de faire des rencontres entre personnes d'un même quartier.

Parc public.
Un parc public, ou jardin public, est un espace vert au cœur de la ville géré par l’administration municipale. Il est conçu pour créer un lieu de verdure pour les habitants d’un quartier et contient parfois des équipements pour permettre la pratique d’activités sportives. On y retrouve généralement des arbres, de la pelouse, des bancs publics, des platebandes fleuries et des modules de jeux pour les enfants. Par contre, on n’y trouve généralement pas de culture potagère. Il s’agit d’un lieu public permettant aux habitants d’un quartier de se croiser.

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Garden at the KK Triangle
Potager libre-service.
Le potager libre-service est une catégorie à part, soutenue notamment par le mouvement des Incroyables comestibles (Incredible edible), qui consiste à planter des légumes et des plantes comestibles devant la maison ou dans des pots déposés dans un lieu public, et d'inviter les citoyens à se servir gratuitement de la production de ces plantes. Il s'agit généralement de pots, de bacs ou de platebandes de petite taille, mais c'est par la multiplication de ces initiatives que le mouvement peut engendrer des villes qui offrent un vaste potager libre-service à ses citoyens. Ce geste consiste donc à produire de petits espaces de culture potagère, chacun étant cultivé par une ou quelques personnes, dans un espace ouvert avec une récolte libre et partagée.

Jardin communautaire
Les jardins communautaires, familiaux, ouvriers ou associatifs ont une longue histoire. Ils ont contribué à créer des espaces de culture potagère au cœur des villes en des temps difficiles. La forme et la gestion de ces espaces varient énormément selon les jardins et les pratiques de chaque pays. On considère qu’un jardin communautaire est généralement géré par une association à but non lucratif et qu’il distribue de petits lots délimités à des familles. Chaque lot est cultivé individuellement et chacun récolte sa propre production. Cette approche permet de cultiver des légumes frais à des personnes ne disposant pas d’un terrain et permet la rencontre entre les citoyens qui fréquentent le jardin.

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Springfield Community Garden, Jacksonville, FL, U.S.
Jardin collectif.
Les jardins collectifs se sont particulièrement développés au cours de la dernière décennie. Un jardin collectif est un espace commun de jardinage dont la culture est assurée conjointement par un groupe d’individus. La récolte est généralement partagée entre les participants qui contribuent aux soins du jardin durant tout l’été. La gestion d’un jardin collectif est souvent soutenue par des organismes communautaires, des écoles et des administrations municipales, qui mettent l’espace à disposition pour un groupe de personnes. Plusieurs activités peuvent se greffer à un tel jardin, notamment une mission d’éducation à l’horticulture et une contribution à la sécurité alimentaire des habitants lorsque la récolte est redistribuée à des organismes de bienfaisance.

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Bidwell Community Garden
Jardin de quartier.
Une nouvelle forme de jardin commence à voir le jour pour agir comme vecteur du développement de la vie d’une communauté, on peut la nommer « Jardin de quartier ». Un tel jardin constitue un projet global au service des habitants d’un quartier. Il vise à la fois à cultiver ensemble, à partager la production, à appuyer des projets éducatifs, à soutenir la sécurité alimentaire des habitants du quartier, tout en fournissant un environnement agréable qui contribue à la réduction de la pollution atmosphérique, en fournissant des espaces d’ombre pour lutter contre les îlots de chaleur urbains. Un jardin au cœur d’un quartier qui donne envie de se promener, de rencontrer ses voisins, de cultiver l’abondance. Bref, il s’agit d’un jardin qui rassemble de nombreuses composantes et qui peut devenir un puissant outil de développement du lien social au sein d’une communauté, un moyen pour créer le sentiment d’appartenance et pour stimuler la vie de quartier.

L’émergence d’un jardin collectif provient du désir d’un groupe de personnes à cultiver ensemble et de décider de la distribution des récoltes, soit entre les participants, soit données à des organismes ayant pour mission la sécurité alimentaire. Pour leur part, les platebandes de plantes potagères à accès public embellissent un quartier et consolident la notion de partage entre citoyens. Pour soutenir la formation du lien social en sein d'une communauté, il est essentiel de créer des jardins au cœur du milieu de vie des citoyens et de créer un environnement propice à la participation de tous. Il faut s’inspirer de toutes ces initiatives et tirer profits de chacune d’elles pour définir une solution spécifique à chaque communauté, un jardin à l’image des habitants de chaque quartier.

3 juin 2013

Les arbres du parc Gezi

Je ne ferai pas ici une prise de position politique concernant la situation en Turquie. Je ne ferai pas le compte rendu du nombre de blessées et je ne critiquerai pas l'attitude des médias grand public à l'égard du conflit. Je ne critiquerai pas non plus cette volonté de transformer le parc Gezi à Istanbul en immeuble. Je veux plutôt attirer l'attention sur l'étincelle qui a mis le feu aux poudres!

Un arbre est une chose magnifique, et encore davantage au coeur d'une ville où la végétation se fait rare. Un arbre apporte de l'oxygène aux poumons, donne de l'ombre et de la fraîcheur en été, contribue à réduire la pollution dans l'air et, il procure un beau coup d'oeil aux habitants du quartier. Lorsqu'il n'y a pas d'arbre dans notre environnement urbain, la vie est morne, mais on ne s'aperçoit pas de la richesse qui nous manque. Lorsqu'il y a des arbres dans notre quartier, on est bien, mais on finit par oublier leur présence. Alors, c'est lorsque l'on coupe les arbres que l'on s'aperçoit de la richesse que l'on perd. Il s'agit d'une richesse difficile à mesurer ou même à exprimer, mais les arbres apportent du bien-être aux habitants d'un quartier.

Ceci n'est pourtant pas une chronique horticole, mais une réflexion à propos du rapport de l'être humain à son milieu de vie.

Lorsqu'on menace de détruire un parc, on suscite la prise de conscience de la perte de cette richesse. On réalise alors qu'un parc est rempli de souvenirs: des heures à flâner entre amis, des jeux en famille, le premier baisée, etc. On constate aussi que des pratiques culturelles sont tissées à un lieu: un sandwich pris sur un banc, du jogging le matin, une marche en soirée, des conversations au hasard des rencontres, etc. On se rend compte que notre vie est intimement liée à ce lieu.

Un parc n'est pas seulement un espace dans lequel on fait des activités. Il représente l'espace qui nous appartient comme citoyen, car la vie sociale ne se fait jamais sur des espaces empruntés. On partage un espace de vie!

Le projet de la place Taksim n'a sûrement pas été conçu avec une volonté de détruire un espace de vie. Et ces quelques arbres n'ont certainement aucun lien a priori avec le régime politique en place en Turquie. Ce qui est au coeur du conflit actuel est le désir des citoyens d'être impliqué dans les processus de décision qui concernent le développement de leur ville.

Le mouvement de manifestation s'est ouvert sur des revendications de liberté et de justice. Le déclencheur du conflit était plus précisément une façon de gouverner qui agit à la place des citoyens sans tenir compte de leurs idées. Nul être humain ne veut vivre dans un milieu de vie qu'il n'a pas lui-même conçu avec ses concitoyens.

Je salue tous les citoyens qui agissent pour créer un monde à leur image.

15 mai 2013

La configuration d’un parc de quartier vivant

Un parc public est un espace beaucoup plus important que je ne pourrais le dire avec des mots. Un parc peut devenir le coeur d’un quartier lorsqu’il est habité par les gens du voisinage. Mais, un mauvais aménagement des lieux peut faire la différence entre un parc habité et un parc abandonné.

Un parc invitant

Il y a quelques jours, j'ai observé deux parcs de quartier par un soir de printemps. Alors qu'au petit matin, bien peu de choses différencient ces deux parcs, ce soir-là c'était bien différent! Le matin, dans les deux cas, il s'agit d'un vaste espace gazonné avec quelques structures pour permettre de jouer au baseball, au soccer/football, à la pétanque et au fer. Près de la rue, dans les deux parcs, il y a un petit édifice verrouillé d'un usage inconnu pour celui qui ne passe que dans la matinée. Ce n'est que cela, de la pelouse! 

Et de soir maintenant, 21:15h environ...

Parc A. Les grands réverbères sont allumés, plus d'une cinquantaine de personnes du troisième âge habitent l'espace prévu pour jouer à la pétanque et au fer. De l'autre côté, des équipes de soccer/football composées de dizaines d'adolescents sont dirigés par des entraîneurs et des arbitres. Au centre, le bâtiment vitré est éclairé et semble inviter les gens à y entrer pour faire certaines activités.

Parc B. Les lumières sont éteintes, le parc est vide, le bâtiment est verrouillé, comme au petit matin!

Parc A
Parc B

Dans un cas, c'est un espace qui a une force d'attraction. Le lieu est beau, lumineux et semble être habité par des citoyens respectables qui ont du plaisir. Dans l'autre, le parc constitue un vaste espace sombre et peu rassurant pour une personne qui prend une marche dans les environs.

Pourtant, à première vue, ces deux parcs sont assez semblables! Mais, qu'est-ce qui peut bien faire la différence?

L’accès au parc

La lumière peut faire une différence dans l'attrait que peut avoir un parc en soirée mais, il n'y a pas que ça. Une fois que l'on est attiré par un bel espace, encore faut-il savoir comment y entrer!

L’aménagement de l’espace peut faire toute une différence dans le fait qu’un parc soit habité ou non. Une mauvaise configuration des frontières clôturées et des entrées dans le parc peut créer un malaise. Il ne suffit pas de mettre une porte pour que les gens entrent! Les habitants vont arriver par les voies de circulation courantes (lignes rouges) et vont nécessairement entrer à partir des carrefours habituels de circulation hors du parc (cercle rouge). Il faut donc analyser d’abord comment circulent les gens dans la ville avant de mettre une porte. L’inverse est aussi vrai, mettre une clôture (lignes grises) à un endroit où les gens circulent habituellement va finir par convaincre les citoyens de ne pas y aller, sauf pour quelques adolescents qui n’hésiteront pas à sauter par-dessus!

Dans le Parc A, on remarque plusieurs accès au parc (flèches vertes), dont des zones ouvertes, qui sont en harmonie avec les voies de circulation naturelle du quartier (lignes rouges).

Dans le Parc B, on peut entrer dans le parc sur une large zone à partir d’une seule voie de circulation courante (ligne rouge). Deux entrées sont situées à des extrémités où il n’y a généralement pas de circulation piétonnière. 

Parc A
Parc B

La circulation dans le parc

Il ne suffit pas d’entrer dans un parc pour l’habiter, il faut pouvoir se sentir à sa place! Un parc vivant invite à venir s’y balader sans raison, simplement pour voir les gens, profiter de la brise du soir en été, avoir un endroit agréable où marcher. Ainsi, un parc ne doit pas être conçu uniquement pour des activités prédéfinies. Et pour cela, il faut plus que des terrains de baseball et de soccer/football! Il faut des sentiers, des chemins, des voies de circulation à l’intérieur du parc!

Dans le Parc A, on aperçoit un grand nombre de chemins asphaltés (lignes vertes) permettant d’accéder aux différents terrains de jeux. Ces voies piétonnières constituent aussi un réseau de circulation pour flâner, aller jeter un oeil sur les différentes activités en cours, avant d’aller prendre une pause sur un des bancs de parc.

Dans le Parc B, point de chemin. Et qui dit absence de chemin dit absence de citoyens. Et comme l’accès à ce parc se fait principalement par un seul côté, les clôtures et l’absence de chemin créent ensemble un “effet de gouffre”. Ainsi, personne n'ose s'aventurer à l'intérieur du parc.

Parc A
Parc B

On remarque aussi dans le Parc A qu’un réseau de voies de circulation piétonnière à l’intérieur du parc peut même engendrer des carrefours de circulation interne (cercles verts) qui amplifient l’effet de vitalité du parc pour ses citoyens. 

Pour créer une communauté, il faut des personnes et que celles-ci soient en interaction. Pour que cette interaction se produise, il faut que ces personnes fréquentent régulièrement un même lieu! Et lorsqu'il n'y a aucun lieu dans un quartier pour jouer ce rôle, il n'y a pas de vie de quartier et ses habitants ne forment pas une communauté!

7 mai 2013

Réinvestir les cours d’école


Il y a quelques jours, j'ai effectué, un peu par hasard, un curieux pèlerinage. Je suis allé revoir la cour des écoles que j'ai fréquentées lorsque j'étais enfant. Mes observations m'ont permis de faire quelques constats et d’ouvrir une réflexion concernant l'aménagement des espaces publics.

De souvenir d'enfant, j'y ai vécu de beaux moments à jouer et à parler avec mes amis. J'avais quelques vagues souvenirs, un arbre, un recoin de l'édifice, des portes. Je ne me souvenais que peu de l'espace environnant ces lieux. Les activités effectuées occupaient sûrement tout mon esprit.

En visitant ces lieux, à une heure où il n'y avait aucun enfant, mon esprit a donc fait le cheminement pour refaire les liens entre mes souvenirs d’enfant et ce que mes yeux voyaient. Cette visite impromptue m’a permis de constater que les lieux ne semblent pas avoir changé depuis mon enfance.


Ce que j'ai vu, ce sont des espaces mi-asphalte mi-gazon. Ce sont des espaces ouverts qui n'ont pas de centre ni d'espace pour se rencontrer. On ne sait pas où y circuler, on ne sait pas où s'arrêter, on ne sait comment appréhender cet espace. On retrouve quelques arbres de petite taille qui ne procurent aucune ombre. Pour les plus jeunes, il y avait un module de jeux, mais jamais assez grand pour desservir plus d'une vingtaine d'enfants, dans une école où il doit sûrement y avoir plus d'une centaine d'enfants. Bref, j'y ai vu des espaces où il ne fait pas particulièrement bon s'arrêter, alors que les enfants passent plus d'une heure par jour à vivre en ce lieu.

Constat global, ces lieux n'étaient pas aménagés lorsque j'étais enfant, ne sont toujours pas aménagés et il n'y a probablement aucune intention de prendre en charge leur aménagement dans une future quelconque.


Alors, qu'est-ce qui cloche? En fait, il s'agit simplement de céder à l'habitude. C'est que la gestion des lieux publics est généralement assumée par un service d'entretien des lieux. On ne leur demande pas de concevoir des lieux. Leur travail est de s'assurer de la propreté des lieux et de tondre la pelouse une fois par semaine. Du côté de l'administration des écoles, il y a souvent un manque d'intérêt concernant l'apport de beaux endroits dans le bien-être des enfants et un manque de compétence quant à l'aménagement de l'espace. Il faut dire que la plupart du temps, il y a un manque criant de ressources financières pour amorcer des projets de réaménagement des infrastructures. Doit-on abandonner toute intention d'embellir son environnement sur cette seule question financière?

Certaines écoles tentent de réunir quelques sommes pour réparer et embellir les cours d'école. Ils empruntent différents moyens, parfois traditionnels, parfois innovateurs, pour lever des fonds. Ces collectes de fonds, généralement financées presque exclusivement par les parents des enfants qui fréquentent l’école, permettent parfois de construire un module de jeu ou de réparer un bout d'asphalte devenu dangereux.


Mais, dans tout ça, il manque une vision globale de l'aménagement de ces espaces de vie pour les enfants. Une intention quant à l’aménagement de ces lieux comme espace de vie des enfants. Une réflexion sur la cour d'école comme espace de fréquentation par les parents, les enseignants et tout le personnel des écoles. Un projet de communauté mettant en lien les citoyens qui soutiennent leur école de quartier et les futurs citoyens qui apprennent à s'investir dans leur communauté.

Source: Environmental Concern
Autant pour les enfants que pour les citoyens, ce qu'il faut cultiver c'est l'attitude que l'on peut agir directement dans notre communauté pour l'embellir et l'améliorer. L'attitude à défaire est celle de prendre pour acquis qu'il y a quelqu'un quelque part qui a la responsabilité de gérer ces lieux et que nous pouvons nous décharger l'esprit de cette question. Je constate que les décennies passent sur les cours d'école et que rien ne change!

Ce qu'il faut donc, c'est la prise en charge de cette question en sens inverse. Plutôt que d'attendre que l'administration fasse quelque chose, il faut que l'initiative vienne des citoyens. Quelques parents qui discutent ensemble peuvent amorcer un mouvement impliquant d'autres parents, puis quelques professeurs, puis la direction de l'école. Le lieu s'embellissant attire d'autres citoyens du quartier. En faisant cohabiter des zones destinées aux enfants et d'autres à l’ensemble des citoyens, parents, grands-parents, on crée des zones de fréquentation qui permettent aux habitants du quartier de s'arrêter dans un lieu agréable, aménagé par les enfants eux-mêmes. Voilà le genre de lieu qui fait vibrer une communauté!

Il y a donc un pôle d’intervention lié aux parents et aux habitants du quartier. Il serait facile et peu couteux de planter de petits arbres et arbustes. D'utiliser les ressources des parents et de la communauté, les ressources autres que financières. Par exemple, en recourant à l’expertise en aménagement de certains parents et en rassemblant le fruit de la division des vivaces de tous les parents sur leur propre terrain, on aurait rapidement une imposante pépinière de plantes pour aménager de nombreuses platebandes dans la cour d’école.

Source: Environmental Concern
Il y a aussi un pôle d’intervention enfants-enseignant. En effet, il serait facile de consacrer une heure de classe pour semer, planter, aménager pour intégrer de multiples matières scolaires et devoirs civiques de l'école comme la biologie, l'écologie, l'architecture de paysage, la géographie, les mathématiques, l'implication dans la communauté, ...

Il y a enfin un pôle relié à la direction des écoles et aux services d'entretien. Ils doivent accepter de s'impliquer dans un changement qu'ils ne peuvent pas coordonner centralement et faire preuve de flexibilité dans l'application des règles. Assurément, ils peuvent adopter une vision intégrant l’école dans sa communauté et encourager toutes les initiatives citoyennes concernant l’école.

Source: Environmental Concern
Vous croyez qu’il s’agit d’un rêve irréalisable? Des projets de réaménagement de parcs et de cours d'école se réalisent un peu partout. Voyez par exemple, l'organisme Environmental Concern dans l'État du Maryland aux États-unis developpe depuis des années des projets de réaménagement des cours d'école. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un organisme de protection des milieux humides. Ainsi, ils accompagnent les écoles dans l'implantation d'un milieu humide sur leur terrain. Ils forment les professeurs pour impliquer les enfants, soutiennent le personnel d'entretien, fournisse de l'information et de l'encadrement technique. Ces projets impliquent les enfants dans la prise en charge de leur milieu de vie en plus de les conscientiser à la protection des marais et des berges au niveau environnemental.

Source: Environmental Concern
Ce pèlerinage m'a fait avancer dans ma réflexion sur l'appropriation des espaces publics par les citoyens. Plutôt que de créer de nouveaux lieux publics pour favoriser les échanges entre voisins, il m'a semblé porteur de s'approprier des lieux existants qui ne demandent qu'à être restaurés. Les parcs publics, les terrains de jeux pour enfant et les cours d'école sont là et ont besoin qu'on s'en occupe pour devenir des lieux de fréquentation agréables. Ce sont déjà des lieux visités par plusieurs personnes qui ont le potentiel d'agir comme carrefour d'un quartier, un espace pour s'arrêter, croiser ses voisins et jouer avec ses enfants. Il ne resterait plus qu'à leur donner une couleur propre aux habitants d'un quartier, en faire un lieu plaisant, pour accroître leur fréquentation et ainsi augmenter l'interconnexion entre les habitants d'un quartier.

Sans oublier l'essentiel, lorsqu'un enfant a consacré de ses idées et de son travail à transformer son espace de vie, il n'acceptera plus jamais la morosité et deviendra un citoyen impliqué dans l'amélioration de son milieu de vie.